RÉACTIONS
JOËL MATRICHE
Branché : C'est l'art qui descend dans la rue, qui se montre aux non-initiés. Pragmatique: Pour une fois, on va avoir des poubelles rigolotes. Amusé : Décorer des poubelles ? Voici enfin des artistes qui ne se prennent pas au sérieux. Simenonien : Dans
sa vie ou dans son œuvre, le père de Maigret n'a jamais renié sa ville.
Cet hommage supplémentaire est un juste retour des choses... Peu
d'indifférents par contre, peu de sceptiques, de choqués, de critiques,
de fâchés ou de râleurs : depuis une semaine, Liégeois et
visiteurs défilent en nombre place Saint-Lambert, devant cette
trentaine de poubelles, transformées en pipes géantes et décorées par
des plasticiens.
Pierre, étudiant à Saint-Luc, se dit choqué
par ceux qui sont choqués : J'ai des amis qui ne comprennent pas
que des artistes acceptent de décorer ainsi des poubelles mais la
vocation de l'artiste n'est-elle pas, justement, d'aller à la rencontre
du public ?, s'étonne-t-il. Pourquoi ces œuvres
devraient-elles rester enfermées dans les galeries et les musées ?
A mon avis, on ne pouvait rêver meilleure initiation à l'art
contemporain... De fait, il y a du monde qui défile entre les chalumeaux, davantage sans doute qu'à la plupart des vernissages : J'avais entendu parler de ces pipes à la radio mais je n'y avais pas prêté grande attention, confie un vieux monsieur, appareil photo en main. C'est
en sortant du palais de justice que je les ai vues. Je me suis approché
et je trouve ça charmant. C'est ludique, j'aime ça...
Peu
savent pourtant que la collection n'est pas complète, une des œuvres
ayant été refusée par les ayants droit de Georges Simenon. J'en ai entendu parler, explique Michel, commerçant mais surtout, féru d'art contemporain. Il ne comprend pas : Tout
le monde sait que Jacques Lizène est un provocateur. On aime ou on
n'aime pas ce qu'il fait mais quand on lui commande un travail, on sait
à quoi s'attendre... J'appelle ça de la censure, pas autre chose.
Loin
de ces chamailleries, un gamin regarde, perplexe, ces fumeuses
poubelles : osera-t-il y jeter sa cannette de boisson
gazeuse ? Sa mère le tire par le bras, tente de lui expliquer que ces récipients ne sont pas là pour ça, qu'il faut respecter le travail des artistes.
Comme si, peinte ou sculptée, une poubelle changeait de statut. Dans
quelques jours et jusqu'au mois de septembre, ces réceptacles seront
toutefois dispersés aux quatre coins de la ville.·